[Interrogatoire][PV]

- Quelque chose lui avait paru très étrange, lorsque la Directrice avait examiné un par un tous les dossiers des membres de son Département. Chose que le Ministre lui-même avait imposé à tous ses directeurs de départements et autres hauts émissaires des grandes instances. Au vu des événements de plus en plus dramatiques qui se déroulaient dans le Monde Magique, une mesure coûteuse et ennuyeuse avait été prise : que chaque dirigeant réetudie lui-même - interdiction formelle de déléguer - vies et dossiers de ses employés. La tâche était ardue et faisait perdre un temps infini, mais peut-être était-ce le prix à payer pour éliminer d'éventuelles taupes trainant entre ces murs.

Ainsi donc, pendant deux jours, Célène avait parcouru sans relâche chaque parchemin. Allant de l'acte de naissance, en passant par l'arbre généalogique, les bulletins scolaires, jusqu'aux certificats de mariage et comptes rendus de mission, jusqu'à ce qu'enfin, elle trouva chez une de ses Langue-de-Plomb, une information douteuse. Evan Cartridge travaillait pour le département depuis une dizaine d'années, soit bien avant qu'elle ne sorte de Poudlard. Elle le connaissait bien, mais faisait rarement équipe avec lui. Il était doué, mais un peu moins que les autres et on lui confiait des missions un peu plus laborieuses, bien que moins critiques. Il faisait essentiellement du " nettoyage ". Pour autant, il était toujours présent aux réunions, participait de temps en temps pour donner son avis ou se désigner pour une quelconque mission. Et qui aurait cru que ce gentil jeune homme d'une trentaine d'années était un parent proche de Rodolphus Lestrange ? Mangemort désormais officiel, bien que nettement moins dangereux depuis qu'il gisait au fond d'une fosse. Ils étaient cousins, par la mère de Cartridge, elle-même reniée par sa famille lorsqu'elle avait épousé un sorcier qui ne possédait que trois générations de sang magique. Information que Evan avait caché lors de son entrée au Ministère et que l'Oiselle n'avait révélé qu'en étudiant de près son arbre généalogique.

Néanmoins, beaucoup de membres avaient des liens de parenté avec d'étranges individus, parfois suspectés d'être à la solde du Lord. Cependant, aucun, à défaut de s'en vanter, ne s'en était véritablement caché, plus méprisants qu'embarrassés. L'attitude de Cartridge était donc des plus ambigües.

Elle était donc allée trouver de ce pas le Ministre, l'informant de sa dernière trouvaille. Il avait à peine jeté un coup d'oeil à son rapport, la congédiant presque immédiatement. Célène avait haussé les épaules et était partie, supposant que ce cas n'était pas suffisamment intéressant aux yeux de Monsieur. Peut-être s'était-elle trompée.


Eh bien non, car quelques jours plus tard, alors qu'elle se préparait à se rendre à une réception, le Ministre était venu la trouver à son Bureau. Elle devait immédiatement se rendre au sixième sous-sol, étage que l'on réservait parfois pour les interrogatoires officieux, afin qu'elle s'entretienne avec ledit Evan Cartridge. La Jeune Femme avait protesté, évoquant le fait qu'elle ne pouvait se présenter dans cette tenue, mais le Ministre s'y était opposé. C'était urgent. La rumeur courait que le Mage Noir préparait une nouvelle attaque et peut-être que le Garçon pourrait les renseigner. Les ? Il y assisterait donc ? Non. Néanmoins, elle aurait un co-équipier. Le Président du Magenmagot en personne. Célène n'avait pas tiqué mais son sang s'était glacé dans ses veines. Naturellement, Lucius savait qui elle était. Et elle aussi. Deux problèmes en un, donc. La partie serait encore moins agréable qu'elle ne l'avait cru tout d'abord.

Ce fut donc dans sa tenue de bal, une longue robe bustier mauve, enserrée à la taille par un fin ruban myosotis noué dans le dos, qu'elle rejoint le sixième sous-sol, aussi nerveuse qu'agacée. Elle ouvrit la salle dépêchée pour l'occasion. Personne. Le ' prisonnier ' allait être emmené dans quelques instants, l'espérait-elle, avant que Malefoy ne se joigne à elle. En attendant, elle préparait mentalement son interrogatoire. -

« De qui s'agit-il? »

« Evan Cartridge. Une Langue-de-Plomb. »

Lucius ouvrit le dossier de l'incriminé et le parcouru rapidement d'une œillade sévère. Ses yeux étaient plissés et son regard plus froid que jamais. A l'évocation du statut de cet Evan Cartridge, il leva son attention sur l'assistant du Ministre qui était venu lui communiquer ce dossier.
Au passage, c'était à noter qu'il était un garçon assez frêle au visage émacié. Il n'était pas excessivement grand et les traits durcit de son visage dissimulaient sa jeunesse sous des airs hautains et scrupuleux. En fait, il était rigide comme une tige de fer, aussi bien physiquement que dans sa façon de penser. Y avait-il personne plus attachée au règlement ? Aucune. D'ailleurs, il avait le don d'agacer Lucius et ce dernier se faisait un malin plaisir à le contrarier.

« Vous le soupçonnez de travailler pour le compte du Seigneur des Ténèbres ? C'est assez... Déroutant. »

Les deux perles grises et glacées se posèrent sur le secrétaire tandis que les doigts du nobliau se refermèrent sur le dossier. Le directeur du Magenmagot se retourna pour ranger les quelques affaires sur son bureau, dossiers, chemises et deux ou trois feuilles volages.

« Et bien, nous nous sommes aperçu de ses liens parentaux avec des membres confirmés à la solde de... vous-savez-qui... Ici il s'agit de Rodolphus Lestrange. Vous savez, n'est-ce pas, qu'il tomba lors de l'attaque au mar... »

Sans cérémonie le jeune Malefoy lui coupa la parole. Dans sa voix, malgré sa placidité, se lisait le mépris et l'ennui.

« Oui j'ai vaguement entendu parler de cette histoire je vous remercie. Pouvez-vous m'apprendre quelque chose d'utile ? Sinon j'ai du travail qui m'attends. »

Puis il lui fit face. Le secrétaire serra les dents et pinça ses lèvres pâles. Il détestait les manières de Lucius Malefoy mais hélas contre sa nature, il ne pouvait rien. Il était d'ailleurs tant attaché à l'étiquette et au règles qu'il étouffa sa rancœur et se força à terminer sa tirade.

« Vous interrogerez Monsieur Cartridge en compagnie de Mademoiselle Floddensurrey. »

Le magistrat eut un léger sourire.

« Bien... Autre chose ? »

« … Bonne soirée Monsieur Malefoy. »

« Bonne soirée. » Il lui fit l'affront de ne pas se fatiguer à le nommer. A vrai dire, à cet instant même, il ne s'en souvenait plus.

Le jeune homme protocolaire sorti du bureau du Président du Magenmagot, un goût amer dans la bouche. Lucius quant à lui ne tarda point à suivre pour se rendre au sixième sous-sol, là où l'interrogatoire aurait lieu.


« Bonsoir. »

Ce fut son premier mot. Malefoy pénétra dans la salle d'instruction, la porte se refermant derrière lui. Sans grands apparats de cérémonie, lui était, comme à son habitude, tout nippé de noir dans des tissus onéreux et élégants, ses cheveux blonds sagement et impeccablement tirés en arrière. Son regard ne se posa tout d'abord pas sur la jeune femme puisqu'il se dirigea vers la table de chêne des deux commis où il posa son dossier avant de le feuilleter, l'air absent.

Lorsqu'il eut enfin terminé, il releva le nez de son travail et observa Célène, un léger air de surprise au visage.

« Ma chère, vous êtes tout en beauté ce soir. Me serais-je trompé de salle ? » c'était là plus une question rhétorique qu'autre chose et il était presque impossible de deviner si c'était là un compliment ou du sarcasme. Peut-être les deux ?
Son regard grisâtre ne se détacha plus de l'Oiselle, tout en silence, il se reposa sur un coin de la table, ses doigts entrelacés sur ses cuisses. L'œillade qu'il lui lança était perçante et inquisitrice, comme si c'était elle l'accusée ce soir. Pourtant il n'avait pas l'air menaçant, car en plus à ses lèvres fines s'ajouta un... sourire.

- Evidemment, sa soirée n'aurait pu être entièrement gâchée si on lui avait amené le Suspect avant que le Blondin ne se joigne à elle. Pourtant, la Directrice avait eu un faible espoir lorsqu'elle avait entendu la porte grincer sur ses gonds. Une faiblesse qui lui valut une belle déception lorsque Malefoy entra, sans même lui jeter un regard.

Fidèle à lui-même, il traversa la salle, feuilletant un dossier d'un regard vide, comme s'il ne l'avait pas vu. Bien qu'on ne pu pas dire qu'elle passa inaperçue, attifée telle qu'elle l'était. Elle se dit que Monsieur n'avait pas grande envie de faire la conversation. Perspective qui ne lui déplaisait pas outre mesure, étant donné la situation.
Néanmoins, il sembla soudainement avoir remarqué la présence de l'Oiselle, l'étonnement se lisant dans ses perles grises. Un sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu'il la dévisageait pour lui lancer une petite remarque sur un ton indéchiffrable. -


Tout dépend, Monsieur le Président. Si vous cherchiez la salle des exécutions arbitraires, j'ai entendu dire qu'elle se trouvait juste à côté.


- Lui répondit-elle tranquillement, insistant sciemment sur le statut social du Jeune Homme, tandis qu'elle faisait défiler les pages de son propre dossier sur Cartridge, un sourire ourlant le coin de ses lippes dument recouvertes d'une couche de rouge à lèvres. Elle lui lança une oeillade amusée, sans rien ajouter de plus.

Ils auraient pu gagner beaucoup de temps. Il aurait suffit qu'elle lui demande clairement si sa Langue-de-Plomb était bien une taupe et ils ce seraient contentés d'un petit interrogatoire pour la forme. En admettant qu'il ait bien voulu lui répondre. Néanmoins, elle n'en fit rien. Les choses étaient déjà bien assez compliquées ainsi et, il fallait dire ce qui était, elle préférait ne pas faire allusion à son ' statut officieux ', qu'elle n'avait toujours pas digéré.

De toutes les manières, l'heure n'était pas à la confrontation entre (Ex) Amants Haineux mais plutôt au travail. Déjà, Evan Cartridge faisait son apparition, encadré par deux aurors. Le pauvre homme avait le visage livide et l'oeil hagard, bien qu'il fit son possible pour garder l'expression impassible de circonstances. Cependant, lorsqu'il reconnut sa Patronne, ses yeux s'écarquillèrent de surprise. Plus encore quand il aperçut le Président du Magenmagot. Visiblement, il était enfermé depuis plusieurs jours et personne n'avait pris la peine de lui expliquer pourquoi.

Avant qu'il n'ait pu ouvrir la bouche, Célène fit signe à ses geôliers de se retirer et à Cartridge de s'assoir sur la chaise face à eux. -


Bonsoir, Evan. Nous n'allons pas te laisser languir plus longtemps. Monsieur Malefoy ici présent va t'informer de la raison de notre présence.


- Elle adressa un sourire figé à son Collègue, l'invitant à s'exécuter. Elle recula d'un pas, allant s'adosser à l'un des murs afin de laisser toute la scène au Jeune Homme.

Elle ne cherchait pas à se défiler. On ne pouvait pas non plus dire qu'elle eut des scrupules à interroger un de ses Employés. Elle n'était seulement pas très douée pour la mise en scène. -

La salle des interrogatoires n'était pas l'endroit le plus chaleureux du Ministère et cela allait de soi. On ne voulait pas que les suspects se sentent en confiance dans la chaleur du coin d'un âtre, ou passent leur temps à admirer l'architecture pendant qu'on leur posait des questions. Non les murs étaient nippés de pierres grisâtres et glacées et formaient un cercle parfait. Le plafond, bas et voûté, était illuminé par des bougies suspendues dans le vide et des candélabres mornes de fer forgés ornaient aussi les tristes parois. A vrai dire, cette salle était oppressante pour n'importe qui. Il n'y avait pas d'échappatoire, aucune fenêtre. Elle était une funeste allégorie d'un destin auquel on n'échappe pas. Et lorsque nos pas nous menaient à elle, ce n'était jamais bon signe.

Lucius quant à lui, ne semblait pas mal à l'aise. Il avait passé de longues secondes à observer Célène, son acolyte de l'instant, sans décrocher une seule parole, même lorsque celle-ci lui envoya une toquade. D'ailleurs, Evan entra dans la pièce quelques seconde après. Le Président du Magenmagot ne lui octroya pas un regard. Il était de renommée que Monsieur Malefoy n'était pas quelqu'un d'indulgent, ce qui, en général, précipitait le dénouement tragique de ses interventions.

L'inculpé se fit conduire jusque sur une chaise au bois solide par deux aurors, au centre de la salle écliptique, faisant face à la Directrice du Département des Mystères, magistrat improvisée, et Lucius Malefoy.

Elle ne perdit pas de temps et prit la parole. Et même si la jeune femme se voulu impartiale, on pouvait ressentir une note de douceur et de compassion dans son timbre, un bref instant de répit que Lucius allait sans doute se faire un plaisir de dérober. Lucius se redressa de la table où il était affaissée et leva enfin son regard sur la Langue de Plomb, les doigts écartés affleurant le pupitre.

« Monsieur Cartridge. Étant donné votre statut au Ministère, je ne vous apprends pas que nous procédons ces temps-ci à de multiples enquêtes, visant à nous renseigner sur certaines personnes. Les espions du Lord Noir se faufilent absolument partout et passent, malgré toutes nos précautions, entre nos filets. Je tiens à vous rassurer, cet interrogatoire est tout à fait à titre protocolaire. Nous allons vous poser quelques questions sur des sujets que nous souhaitons éclaircir et après cela, vous pourrez enfin rentrer chez vous et ma collègue et moi-même, par la même occasion. »

Bien loin d'emprunter un ton acide, sa voix était posé, pas non plus mielleuse et son regard, d'habitude si autocratique et oppresseur était indifférent. Bref, Lucius Malefoy était serein ce qui pouvait soulever, aux yeux de l'Oiselle, quelques interrogations. Ainsi, il poursuivit.

« Aussi, je vous demanderai de bien vouloir répondre avec franchise à mes questions. Plus tôt vous nous direz la vérité, plus vite nous en finirons. »

« Bien... »

Il se saisit du dossier qu'il bouquinait quelques temps auparavant et fit quelques pas vers Evan.

« Vous travaillez pour le Ministère depuis onze ans et trois mois, vous habitez à Chiswell Street et vous êtes célibataire. C'est bien cela ? »

« Si vous êtes ici aujourd'hui... C'est suite au tragique évènement qui s'est déroulé au mariage d'Andromeda Black & de Ted Tonks. Les Mangemorts sont parvenus à s'introduire à la cérémonie et nous connaissons tous les conséquences. Quatre personnes furent tués dont deux Mangemorts. Barty Croupton Junior et Rodolphus Lestrange. »

Le magistrat fit une pause et se retourna vers la table où était ouvert son dossier. Il y avait une grande carafe d'eau transparente et deux verres. Il empli la coupe d'eau avant de la porter à ses lèvres pour en boire une gorgée. Lorsqu'il reposa le verre, Lucius poussa un soupire, lèvres closes, de satisfaction, sans doute, et se tourna de nouveau vers Evans.

« Peut-être souhaitez-vous boire un peu ? » Demanda-t-il, interrogateur.

La réponse étant visiblement négative, il continua sa tirade.

« Donc où en étais-je... Il y avait donc quatre décès enregistrés après cette attaque. Le dernier est celui qui nous intéresse le plus dans cette affaire. Après quelques petites recherches, il nous est apparu que vous aviez quelques liens avec Monsieur Lestrange. Des liens... familiaux. Étant donné que la cérémonie se déroulait en toute discrétion avec la protection du Ministère, nous sommes venu à la conclusion que quelqu'un les aurait informé du lieu et de la date du mariage. »

« Ma... question est la suivante. Monsieur Evans Cartridge, quels étaient vos liens avec Rodolphus Lestrange ? »

Voilà, il venait de terminer l'introduction. Maintenant les choses allaient pouvoir avancer. Malefoy demeurait toujours aussi serein, se reposant contre le bord de la table en croisant ses bras contre sa poitrine. Il attendait. Et si dans sa voix, dans sa posture et dans ses regards, il n'y avait rien de fielleux, l'ambiance qui régnait était nauséabonde.

- Célène, bien en retrait contre son mur, observait la scène avec un détachement apparent. Mais en réalité, elle était en train de se mordre l'intérieur de la lèvre avec force, craignant l'interrogatoire de Lucius. Elle le fixa un moment, tandis qu'il discourait avec professionnalisme et dureté. Puis, elle en revint à Cartridge.

Ce dernier était assis le dos bien droit contre le dossier, les yeux dans le vague. Il ne porta son attention sur le Président qu'un bref instant, l'oeil redevenu plus vif lorsqu'il sut enfin pourquoi, depuis plusieurs jours, il était enfermé dans une cellule. D'ailleurs, dès ce moment précis, il se désintéressa du Blond pour se concentrer sur la Jeune Femme. Bien sûr, il l'écoutait. Il n'y avait qu'à voir ses froncements de sourcil, mais il semblait attendre quelque chose. Aussi ne répondit-il pas à la question de Malefoy. Le silence s'installa, semblant trainer dans une longueur presque gênante. Comprenant où il voulait en venir, Célène toussota dans sa main, délaissant les pierres murales pour rejoindre les deux hommes, la mine sévère. -


Répond, Evan.


- Dit-elle simplement alors qu'elle se tenait aux côtés de Lucius, sa sempiternelle expression impavide accrochée au visage.

Ainsi, il attendait un ordre. " Il travaille pour le Département depuis trop longtemps " pensa-t-elle. Ils n'eurent pas longtemps à attendre. Déjà, le Présumé se raclait la gorge. -


Nous sommes - ou plutôt nous étions - cousins. Mais nous ne nous étions jamais rencontrés. La famille de ma défunte mère l'a renié lorsqu'elle a épousé mon père. Je n'ai donc jamais eu de contacts avec eux.


- Célène tressaillit. Il mentait. Elle le savait. Et Lucius devait s'en être aperçu également.

Elle n'avait rien d'une ligilimens, mais quand on connait quelqu'un depuis aussi longtemps et que votre travail consiste à dissimuler la vérité, vous savez reconnaître lorsque l'autre fait de même. Néanmoins, elle ne broncha pas. Elle réfléchissait. Elle devait choisir l'attitude à adopter. L'attaquer de front ne servirait à rien. Il se braquerait et ne dirait plus rien, aussi innocent qu'il put être. Il allait donc falloir user d'une autre tactique.

Elle tira une seconde chaise et pris place à la gauche de son Employé, faisant face à son profil bien droit. Elle posa une main sur son avant-bras, le ton de sa voix se faisant doux et chaleureux. -


Evan ... Avoir des liens de parenté avec un Partisan de Voldemort ne fait pas de toi un Mangemort, j'espère que tu le sais. Nul n'a encore été envoyé à Azkaban sans de solides preuves. N'aie pas peur de nous dire la vérité.

Avec tout le respect que je vous dois, Madame la Directrice, j'ai quelque peu perdu confiance en la justice lorsque j'ai été enfermé arbitrairement dans l'un de ces cachots sordides, voici trois jours.


- Répliqua-t-il d'une voix calme tandis qu'il fixait Lucius, sans même jeter un regard à Célène. Soudain, il retira son bras du contact des doigts de la Jeune Femme, comme piqué au vif. Cartridge était un homme doux et d'une grande sérénité mais ses deux nuits à dormir pratiquement à même le sol et son estomac vide semblait avoir éprouvé ses nerfs. Aussi se retourna-t-il brusquement vers la Directrice, ses prunelles luisant d'une colère contenu. -


Comment pouvez-vous douter de moi ? Ou même de l'un d'entre nous ? Nous travaillons avec vous chaque jour et vous avons toujours été loyaux et fidèles. Je peux le dire, puisque Monsieur le Président était présent ce soir-là, quand nous avons dû nettoyer la scène dans la ruelle. Je faisais également parti du contingent envoyé pour faire passer l'envie aux moldus qui vous avaient attaqué de détrousser les jeunes femmes. L'auriez-vous oublié ?


- Si Célène fut surprise par la tirade inattendue et acerbe de Cartridge, alors elle n'en montra rien. Toujours aussi placide et maternelle, elle adressa un sourire compatissant à l'Homme. -


Non, Evan, je n'ai pas oublié. Je n'ai jamais remis en cause ton efficacité dans ton travail. Mais ce que Monsieur Malefoy et moi aimerions savoir, c'est pourquoi, il y a un peu plus d'un an, Mr Lestrange et toi avez été vus ensemble dans une des Tavernes d'Ecosse ?


- Question bien étrange. Bluffait-elle ? Il semblait que non. Puisqu'elle extirpa de son dossier abandonné sur un coin de la table, une photographie mouvante prise devant " Le Gai Pinson ", une auberge bon chic bon genre de Dublin, qu'elle mit sous le nez de l'Accusé. Celui-ci, soudainement décontenancé, se saisit de l'image du bout des doigts, comme s'il allait se brûler. Il sembla parcourut d'un frisson, son regard allant de l'un à l'autre de ses Bourreaux, restant muet. -


Où ... Où avez-vous eu ça ?


- Cette fois, ce fut au tour de Célène de se taire. Elle lança un regard à Malefoy, lui signifiant qu'il pouvait reprendre. Rien de tel pour faire remonter la pression et en finir avec ces badinages et ces petits discours mélodramatiques. -

Evan n'avait pas adopté la meilleure des attitudes.
Depuis des jours, il avait été traité comme un criminel sans savoir, selon lui, de quoi on l'accusait et c'était une injustice. Mais lorsque l'on est jugé, il est bien venu de faire profil bas, surtout lorsque celui qui vous interroge est un Malefoy. Ou autrement dit, un être froid, loin d'être compréhensif et indulgent, absolument méthodique et placide en toutes circonstances.
L'inculpé avait attendu l'accord de son supérieur hiérarchique directe pour répondre à la question que le Président venait de lui poser. Lucius n'avait pas cillé et pourtant son regard déjà froid c'était aiguisé, ses paupières inférieures se contractant subrepticement. Ses mains pâles étaient reposées sur le haut pupitre, deux de ses doigts tapotant le bois sombre à rythme lent et régulier. De là haut, Monsieur Malefoy ressemblait à un oiseau de proie, scrutant de ses perles grises acérées le moindre mouvement, la moindre faiblesse, pour fondre sur sa victime.

Lorsqu'Evan répondit enfin, Lucius inclina légèrement sa tête blonde en jetant, semblait-il, un œil sur ses notes. L'intervention de Célène ne passa pas inaperçu.

« Évitez de nous faire perdre notre temps Monsieur Cartridge. Contentez-vous de répondre aux questions que l'on vous pose, sans quoi cet interrogatoire vous deviendra beaucoup moins agréable. »

Célène... S'il n'avait été contraint de garder un certain flegme, il serait intervenu sans le moindre doute auprès d'elle. Mais malgré son silence à ce sujet, il ne pouvait échapper à l'Oiselle l'agacement que trahissait les traits insensibles de son compère et l'œillade qu'il posa sur elle était hostile et grave. On ne materne pas un suspect, on le presse comme un fruit, on assiège son esprit pour en récolter ce qui en provient. Le plus souvent ce n'est que du fiel car l'innocence n'existe pas.

De plein de colère, Evan eut la mine déconfite. Il perdit ses couleurs comme un mort perdrait les siennes et ce semblant d'assurance et de force s'envola avant de n'être qu'un lointain souvenir. Célène avait touché juste et avait ôté à Lucius le plaisir de le faire. Mais soit, il se contenterait de l'achever.

« Depuis l'essor de Celon-dont-on-ne-prononce-pas-le-nom, diverses enquêtes furent menées, dans le plus grand secret cela va de soit, pour s'assurer de la fidélité de certains agents ciblés comme... sujets à caution. Tous les membres du Ministère ayant un lien familial ou connu avec un membre suspecté d'être à la solde du mage Noir furent surveillés. »

Lucius Malefoy entrelaça ses doigts sur le bois de son pupitre et inclina légèrement sa tête avant de continuer.

« Mais j'ai assez répondu à vos questions Monsieur Cartridge, à vous de répondre aux miennes. Mentez encore une fois et vous serrez reconduit dans votre cellule avec l'assurance qu'on ne s'attardera plus à vouloir vous poser des questions pendant très longtemps. »

Il laissa s'écouler quelques secondes avant de reprendre.

« A quelle période avez-vous rencontré Monsieur Rodolfus Lestrange ? Dans quel contexte ? Et enfin quel était le motif de cette discution ? »

- La Jeune Femme avait parfaitement saisi l'agacement de son Collègue. Elle n'avait pas besoin de le regarder. Elle sentait son regard dans son dos. Elle pouvait presque entendre ses muscles se contracter par une fureur contenue. Il n'aimait pas la douceur. Il aurait certainement voulu qu'elle attaque plus directement et l'assaille de questions jusqu'à le faire craquer. Simplement voilà, sa méthode était différente. Et au vu du visage atterré du suspect, elle semblait plutôt efficace.

Malefoy reprit donc là où elle s'était arrêtée. Elle ne s'attendait pas à des politesses, mais la hargne dont il fit preuve la surprit tout de même. Un frisson lui parcourut l'échine devant tant de froideur. Néanmoins, elle resta impassible, attendant les justifications de son Employé.

Justifications qui tardait à venir. La surprise passée, Cartridge avait retrouvé tout son flegme naturel et lorgnait son Interlocuteur d'une oeillade lasse. Les lèvres obstinément closes, les bras croisés sur sa poitrine, il ne semblait nullement impressionné ni par la vigueur, ni par la noblesse du Président. Au contraire, dans son regard luisait davantage de mépris que d'effroi.

Le silence dura plusieurs minutes, la purée de pois qui servait l'atmosphère s'épaississant avec lui. Enfin, alors que Célène se demandait si elle devait intervenir, Evan se décida enfin à répliquer. -


Je n'ai rien à dire à un petit parvenu qui n'a accédé à ce haut poste que grâce à son prestigieux nom de famille et à l'avantage de sa jeunesse.


- Cette réponse cinglante et ouvertement provocatrice glaça la Directrice jusqu'au sang. Elle connaissait assez Lucius pour savoir qu'il ne sortait pas de ses gonds aussi facilement. Cependant, elle le connaissait aussi suffisamment pour savoir que Cartridge allait regretter ses paroles et payer le prix de son insolence.

Aussi la Jeune Femme se leva-t-elle, ses prunelles se plantant dans celles de Malefoy. -


Monsieur le Président, veuillez me suivre, j'aimerais m'entretenir avec vous quelques instants.


- Sans laisser le temps à son Collègue de refuser, elle parcourut en deux enjambées la distance qui les séparait de la porte de la salle et l'ouvrit, l'invitant à lui emboiter le pas dans le couloir.

Une fois qu'ils furent dehors, Célène referma la porte. Un nouveau silence succéda au précédent. La Jeune Femme fixait un point au loin, par-delà la rangée de lourdes portes en chêne et du corridor sombre. Enfin, elle en revint à Lucius, ses lippes déformées par une moue légèrement contrite. -


Plus tu l'attaqueras, plus tu auras droit à ce genre de palabres audacieuses. Je te conseillerais, si tu désires savoir la vérité sur cette histoire de photos, d'adopter une méthode un peu plus subtile et un peu moins accusatrice. Pour une fois dans ta vie.


- Déjà, elle posait une main sur la poignet pour retourner à l'interrogatoire. -

Lucius n'eut pas la moindre réaction perceptible. Il se contenta de fixer le prisonnier avec froideur, presque détachement. Il lui facilitait la tâche. A l'instant où il allait réagir, Célène intervint soudainement, le forçant à quitter son trépieds pour la suivre plus loin, à l'abri des yeux et des oreilles environnantes.
Ceci lui arracha un léger soupire, mais c'était la procédure. Lorsqu'ils furent réuni, Malefoy fut tout à l'attention de la jeune femme, les bras croisés sur le torse.

Avant qu'elle ait pu finir de tourner la poignée pour repartir dans le feu de l'action qu'était cet interrogatoire, Lucius la saisit par le bras pour la ramener vers lui.

_ Célène. Tu n'es pas magistrate contrairement à moi. Mon rôle ici est de lui poser des questions sur des éléments concrets qui demandent un éclaircissement. Tu n'es présente que pour faire office de conseiller, étant donné qu'il était sous ton commandement au très secret département des Mystère. C'est déjà une grande faveur que de te laisser participer à cela. Je ne vais pas le supplier de me répondre car, vois-tu, j'ai d'autres choses à faire et bien d'autres cas à m'occuper. Visiblement il cache des choses et ne semble pas décidé à me les dévoiler. Je ne suis pas là pour faire des concessions. Il va de ce pas rejoindre sa cellule et je m'occuperai de son cas lorsque mon enquête m'aura apporté plus de détails.

Sa voix n'était pas le moins du monde agressive, juste sereine, presque caressante, mais à cet instant, son étreinte sur le bras de la jeune femme se resserra, puis il la tira un peu plus contre lui, réduisant de beaucoup l'espace qui les séparait.

_ Laisse moi faire mon travail, je n'ai pas été injuste envers lui et je ne compte pas l'être alors à ton tour, ne sois pas partiale.

- Evidemment, la Jeune Femme aurait dû se douter que sa petite tirade ne resterait pas sans réponse. Avant que la porte n'ait eu le temps de céder, elle sentit une poigne d'acier se refermer sur son bras et fut la destinataire d'un discours sans équivoque. Ce n'était pas une attaque personnelle, seulement quelques constatations sur la situation. Pour autant, elle ne put empêcher la vague de colère sommeillant en elle de se déverser aux tréfonds de ses entrailles. Elle fronça les sourcils, prête à lui envoyer une réplique bien senti. Mais se rattrapa à temps. Son visage se détendit soudainement, un sourire carnassier éclairant ses traits. -


Je suis à ce poste depuis bien plus longtemps que toi tu défiles sur le podium des magistrats, mon cher, voilà pourquoi j'ai reçu l'immense " faveur " de pouvoir assister à ce petit débat animé. Néanmoins, en ma qualité de " conseiller ", ainsi que tu me nommes, je peux donc me permettre d'énoncer mon avis. Libre à toi de l'ignorer. Ce ne serait pas le premier innocent envoyé à Azkaban.


- Il l'avait presque attiré contre lui, sa voix doucereuse résonnant aux oreilles de la Jeune Femme. Son sourire redoubla alors qu'il prononçait ses dernières paroles et qu'elle sentait les effluves si délicieux et si familiers de son parfum. -


Partiale, dis-tu ? Allons, tu me connais, Lucius. Je suis l'objectivité même. N'est-ce pas ?


- Le ton de sa propre voix s'était fait presque susurrant et langoureux sur la dernière phrase, alors qu'elle effleurait la joue de son Collègue du bout de l'index. Puis, sans rien ajouter, elle se dégagea de son étreinte et retourna à la salle d'interrogatoire, où le Prévenu fixait à présent le mur d'un air buté. -


Eh bien, Evan, à moi que tu n'aies quelques explications à nous fournir, tu vas être reconduit à ta cellule. Mais sache que je ne serai pas là pour le prochain entretien.


- Ledit Evan adressa un regard obstiné à sa Patronne, sans qu'aucun mot ne sorte de sa bouche. Il semblait qu'il n'était pas prêt à se confier pour le moment. Quelques nuits de plus au cachot devraient lui délier la langue, pensa la Demoiselle.

Quelques instants plus tard, les gardes prévenus vinrent récupérer le Prisonnier. Juste avant de franchir la porte, il tourna son faciès vers les deux jeunes gens. A présent, son expression était soucieuse. -


Madame la Directrice ? - l'interpella-t-il soudain. - Pourrez-vous dire à ma femme que je ne rentrerai pas pour dîner avant un moment ?

Naturellement, Evan. Vous pouvez me faire confiance. - répondit l'intéressée d'un ton neutre, sans quitter le dossier qu'elle remettait en ordre des yeux. -


- Le Détenu quitta donc la pièce, encadré par les deux mastodontes du Ministère. Et Lucius et elle se retrouvèrent seuls. -

Il en fallait si peu pour entrevoir les flammes qui habitaient le cœur de la jeune femme. Devant cette lisse couche vernis, le toucher y était parfait, sans défaut et la brillance élégante, une eau calme. Le Blondin était l'un des rares à pouvoir mettre Célène dans tous ses états, lui faire perdre patience, il lui suffisait de gratter un peu la surface pour entrevoir des eaux traitresses et bouillonnantes qui ne dorment jamais. Lucius s'en amusait, prenant soin à ce qu'elle n'oublie jamais qui elle était vraiment.
Lorsqu'elle eut finir de lui jeter ses mots au visage, elle retourna dans la salle d'interrogatoire, suivie de près par le Président qui ordonna aux gardes de reconduire l'interroger en sa cellule. Cette séances venait de prendre fin et enfin allaient-ils tous pouvoir retourner chez eux.
Avant de partir, Cartridge se tourna vers Célène pour lui demander une sorte de faveur. Monsieur Malefoy haussa subrepticement ses sourcils avant de détourner ses yeux du prisonnier pour rassembler ses papiers. N'avait-il jamais entendu pareil misère... Il se retint de s'exprimer sur la question, même si, il y a encore peu de temps, il n'aurait su retenir un rictus moqueur, cela dit, il avait grandit et par conséquent, avait apprit à dissimuler au mieux ce qui devait l'être.

Ainsi descendit-il de son piédestal pour traverser l'auditorium, arrivant près de Célène.

_ Es-tu certaine qu'il peut réellement te faire confiance ? Tu ne l'as pas beaucoup aidé jusque là.

Avant qu'elle puisse répondre, il leva sa main et son index.

_ Il est tard, veux-tu que je te raccompagne ?

Était-ce une autre blague ? Il avait au visage une expression tout à fait sereine, presque souriante, pas le moins du monde affecté par le malheur qu'apportait au cœur de condamner ou d'amnistier des hommes. Il avait l'art et la manière de supporter ce genre de chose et d'en rester détaché. Aucune implication personnelle, c'était son dogme.

_ En tout bien tout honneur, d'un collègue à un autre.

- C'était si perturbant, si agaçant, si ... honteusement délicieux. Un homme qui savait tout de vous et qui, en plus de ça, en usait avec finesse. D'un côté, l'Oiselle détestait cela. Elle ne lui appartenait plus depuis bien longtemps et abhorrait cette emprise qu'il exerçait sur elle. Cependant, d'un autre côté ... Cette intimité qui n'avait pas décru malgré l'éloignement était agréable. Pour autant, elle n'en montra rien. Lorsqu'il délaissa ses papiers pour en revenir à elle, attaquant son manque de dévotion envers ses propres employés, elle ne releva même pas la tête. Elle gardait ses améthystes rivées sur le dossier de Cartridge et esquissa un sourire indéchiffrable tandis qu'elle relevait son regard vers Malefoy. Elle le fixa longuement, sans mot dire, alors qu'il lui proposait effrontément de la raccompagner jusqu'à chez elle. En tout bien tout honneur, hein ? Vous m'en direz tant. Elle décida d'ignorer la proposition, calant son dossier sous le bras, en revenant à la première phrase du Président. -


Tu l'as dit toi-même : jusque-là.


- Enonça-t-elle tranquillement, tout en s'éloignant en direction de la porte. Arrivée sur le seuil, elle s'arrêta net, pivotant vers le Jeune Homme, un sourire toujours accroché à ses lippes. Comment dire à ce Haut Dignitaire, si fier de lui et de son savoir, que Cartridge n'était pas marié ? Il le découvrirait bien assez tôt lorsqu'il consulterait à nouveau son dossier et lirait " Célibataire " dans la case d'état civil. Cette phrase désespérée était en réalité un code pour lui demander : " Vous m'aiderez, n'est-ce pas ? ". Et elle avait répondu oui. Autant dire qu'elle n'était pas prête de lâcher le morceau. Mais encore une fois, elle préféra se garder d'en informer son Interlocuteur. Elle se contenta donc de répondre à sa suggestion suivante. -


Eh bien, qu'attends-tu ? - interrogea-t-elle, constatant qu'il ne bougeait pas. - J'habite non loin du Chemin de Traverse. J'espère que la marche ne t'effraie pas.


- Et elle sortit, attendant qu'il lui emboite le pas. Une fois dehors, la Demoiselle renfila son manteau bleu roi et une écharpe couleur anis, formant un étrange mariage de couleur qui ne passait pas inaperçu. Elle se mit en route, Lucius près d'elle, sans un mot.

Le début du trajet se déroula ainsi, sans qu'elle ne ressente le besoin d'engager la conversation. Rentrer accompagnée ne lui déplaisait pas - cela changeait un peu, pour tout dire - mais elle n'était cependant pas d'humeur à bavasser. Ils traversèrent de nombreuses ruelles moldues, toutes aussi désertes les unes que les autres. Arrivés à quelques centaine de mètre de chez elle, pourtant, elle entendit un froissement d'étoffe contre un mur. Puis, des pas sur la chaussée que le cliquetis de ses talons couvrait mais pas assez pour que son oreille aguerrie ne les surprenne pas. Il y eu un autre bruit, devant eux. A en juger par les échos, ils étaient au moins trois. Et ils les encerclaient.

La Directrice se stoppa net, la main sur sa baguette, dissimulée dans la poche intérieure de son manteau. Un homme, puis deux, puis trois sortirent de l'ombre, leur regard mauvais fixant le couple que Célène et Lucius formait. L'un d'eux, le plus grand et visiblement, le plus stupide, lâcha un rire qui ressemblait vaguement au hoquet d'un porc qu'on égorge. Très classe. -


Bah alors, c'pas bien de trainer si tard dans des p'tites rues mal fréquentées ! Hein les mecs ?


- " Les mecs " en question émirent des ricanement à peu près équivalents, jugeant certainement la boutade extrêmement amusante. A leur accoutrement, l'Oiselle sut que c'était des moldus. Des voleurs des bas quartiers qui cherchaient juste des portefeuilles bien garnis pour payer leurs pintes de bière et leurs parties de poker. Elle avait déjà vécu ça, une fois. Une impression de déjà-vu s'imposait donc. Aussi grimaça-t-elle, laissant sa baguette bien en place. Il était interdit d'user de la Magie devant des moldus. Elle attendrait donc le moment ultime. -


Assez rigolé ! Toi, le blondinet, tu me files ton pognon et la jolie poule, elle va gentiment me donner tous ses bijoux sans se faire prier !


- Tonna un autre, un petit freluquet pas bien impressionnant. Ce qui l'était un peu plus, néanmoins, c'était l'arme, un revolver, qu'il tenait dans sa main droite. Il s'approcha de Célène et la pointa à bout portant sous sa poitrine. La Jeune Femme avait déjà vu ce genre d'objet, en bonne née-moldue qu'elle était et elle espérait qu'il en était de même pour son Compagnon. Sans commentaires, elle commençait déjà à détacher la chaîne et son pendentif en forme de chardon qu'elle portait autour du cou. -

Le moins que l'on puisse dire, c'est que leur relation était étrange et bien peu aurait pu ne serait-ce que la comprendre. Tous deux étaient autant semblables que différents et chacun préservait une part d'ombre, rien d'enviable, un tourment qui n'appartenait qu'à eux.
Ainsi, le Président du Magenmagot se saisit de ses effets avant de quitter la salle d'interrogatoire. Comme à son habitude il était habillé avec classe, ce style un peu rétro qui paraissait étrange pour les moldus et dont il était fière, car après tout, il n'était pas l'un d'eux et ne s'offusquait pas qu'on le trouva un peu... excentrique.
Durant le trajet, il ne dit mot. Lui non plus n'avait pas vraiment envie de parler et apprécia ce silence. Il y avait quelque chose d'agréable dans le fait d'arborer les rues de Londres en pleine nuit. Celle là même était fraiche et l'air ambiant qu'elle contenait était humide, sans doute allait-il pleuvoir. Les badauds se faisaient rares et on entendait au coin des rues les moteurs grondant des quelques véhicules encore éveillés, les échos des cris des fêtards dans les quartiers animés un peu plus loin...
Les sons n'interpelèrent pas immédiatement Lucius. Lui, les moments où il se promenait dans ce genre d'endroits étaient rares. Après tout, il y avait les Portauloins, la poudre de cheminette et que sais-je encore... Cette fois il s'arrêta en même temps que Célène car dans ces murmures et ces bruits, il y avait là quelque chose de menaçant. Son poing ganté se resserra sur la tête de serpent qui ornait le front de sa canne noire, dissimulé dans le flanc de son manteau obombré, près à l'échapper de son fourreau au besoin. Lucius se fit méfiant, mais surtout interloqué car il n'éprouvait que rarement la peur. Pas qu'il soit borné de courage, juste que peu de sorciers oseraient s'en prendre à lui. L'Ordre du Phénix n'agit pas avec tant de fourberie et les Mangemorts... il en commandait la plus part.

Là, c'étaient des moldus, des vauriens qui s'en détroussaient les gens le soir, lorsqu'ils étaient persuadés que personne ne pourraient venir à leur secours.

_ Assez rigolé ! Toi, le blondinet, tu me files ton pognon et la jolie poule, elle va gentiment me donner tous ses bijoux sans se faire prier !

Lorsque le bandit approcha pour braquer son arme sur la poitrine de Célène, Lucius fut prit d'une colère sourde et tira sa canne de sous sa pèlerine pour frapper la main de l'impudent, dont l'arme vola à plusieurs mètres. L'un des compères ne perdit pas une seconde et assena un coup de -ce qu'aurait dit Lucius- barre de fer dans son abdomen, et un second contre son visage. Le Sorcier tomba à genoux dans la seconde. Après tout , il était loin d'être bagarreur, et même s'il se maintenait en forme, il ne s'était pas battu depuis ses années d'insouciance à Poudlard. La canne tomba au sol comme son maître, sauf que ce dernier essaya de reprendre ses esprits pour se relever. Comme si cela ne suffisait pas, quelques gouttes vinrent à tomber du ciel, puis ce fut une pluie battante.
Le premier truand, celui qui avait menacé la jeune femme, se jeta sur son arme pour la récupérer, bien que ses doigts le firent souffrir.

_ Espèce de pourriture ! Tu m'a pété l'doigt !

La tension venait de monter d'un cran et les marauds étaient nerveux. Celui qui avait mal aux doigts, se recula du couple d'un pas tout en les menaçant, l'arme allant frénétiquement de l'un à l'autre alors que le Blondin se relevait doucement.

_ Toi la poule ! File nous tes bijoux tout-de-suite!!!! On rigole plus cette fois, Mett' fouille le l'aut' connard ! Il a l'air plein d'fric !

Son « second » s'exécuta en se saisissant de tout ce que le Sorcier pouvait posséder.

_ Célène... prend ta baguette, tu peux t'en servir... Bousille-les...

_ Baguette ? Il veut nous tuer avec une baguette ? Dit le troisième qui se tenait en arrière, sans doute le moins intelligent de la bande. Tu l'a frappé trop fort il est en plein délire le mec.

_ J'vous jure... vous allez me le payer cher.

Ce même troisième s'occupait de détrousser Malefoy et se fit un plaisir d'ajouter un coup de genoux dans ses côtes tandis que le second, celui qui avait frapper Lucius peu de temps avant, ne se rue sur Célène en la tenant par la nuque, tirant son front contre le sien, d'une façon plus qu'hostile. A cette proximité, elle pouvait sentir son haleine fétide contre ses lèvres.

_ Fais un seul geste suspect et je te jure que tu vas pas aimer ce que je te réserve.

Le jeune homme leva ses yeux gris sur Célène et son agresseur, sans doute le plus agressif de la bande. Il avait beau essayer, il ne parvenait pas à se lever. Un grand sentiment de honte mêlé à de l'impuissance l'envahit. L'ahuri du groupe retira une bourse pleine de galions d'or et observa les pièces à la lueur d'un réverbère.

_ C'est quoi c'truc...

Celui qui tenait la jeune femme eut l'œil attiré par l'or que l'autre tenait.

_ Putain c'est d'l'or ???

- La situation tournait vraiment mal. Alors que l'autre Singe braquait son arme contre elle, elle sentit, plus qu'elle ne vit, la hargne de son Compagnon. Elle voulut lui crier de ne pas bouger, mais le Jeune Homme avait déjà réagi et le revolver vola loin de son corps. Elle voulut en profiter pour extirper sa baguette mais un des Imbéciles, croyant qu'elle allait sortir une arme, lui asséna une claque en plein visage, d'une violence telle qu'elle en tomba par terre, tandis que Lucius se faisait tabasser par le comparse restant. Son agresseur à elle en profita pour s'emparer la chaîne qu'elle avait retiré et que, grâce à l'intervention du Mangemort, le Premier Singe n'avait pas eu le temps de récupérer. Assise sur le sol, sonnée, elle grommela un chapelet d'injures colorées dans une langue qui semblait être du gaélique.

Pour ne rien arranger, des trombes d'eau commencèrent à tomber du ciel et elle fut bientôt trempée jusqu'aux os, ses cheveux lui collant aux joues et aux tempes. Elle grommela à nouveau, alors qu'elle retrouvait ses esprits et qu'une colère sans nom débutait un long voyage dans chacune de ses veines. La Jeune Femme ne supportait pas qu'on lève la main sur elle. Et surtout pas sur lui. Peu importaient les sentiments ambivalents qu'il lui inspirait, peu importaient qu'il soit ce qu'il était. La rage obstruait complètement son jugement. Elle se releva rapidement et voulut aller vers Malefoy qui peinait à se remettre debout, pourtant elle se stoppa net devant le Chef qui avait récupéré son revolver et la menaçait à nouveau, lui ordonnant de lui remettre ses bijoux. Son Compagnon, quant à lui, lui intimait de sortir sa baguette, sous le ricanement et le discours incrédule du plus bête de tous, celui qui l'avait giflé, tout en délestant le Blondin de ses effets et lui assénait le coup de grâce. La scène était si irréelle, si confuse, que la Jeune Femme ne savait où regarder. Pour la première fois de sa vie, elle était complètement décontenancée, peinant à maîtriser la hargne qui s'emparait d'elle. Que devait-elle faire ? Se ruer sur eux ou aider Lucius d'abord ? Quelle piètre chef d'équipe elle faisait !

A peine quelques secondes s'écoulèrent et la Directrice s'était décidée, lorsque le Macaque qui avait tabassé son Comparse s'approcha d'elle et lui saisit violemment la nuque, réunissant leurs faciès. Les menaces de Lucius ne l'impressionnaient guère et que dire d'une femme désarmée ? A ses palabres, on aurait pu croire qu'il s'attendait à ce qu'elle réplique, sauf qu'en réalité, il ne s'en méfiait pas. Jusque-là, elle n'avait pas réagi, alors pourquoi en serait-il autrement maintenant que son Compagnon était à terre et qu'elle n'avait rien pour se défendre, à part cette histoire de baguette ridicule ? -


Allez, ma jolie, si t'es gentille avec moi, on vous fera pas de mal, à ton mari et toi. - dit-il d'un ton soudain radouci, presque mielleux. - Tu me donnes tes bijoux et un peu d'toi et t'inquiète pas, vous serez rentrés pour faire un baiser à vos chiards.


- L'Oiselle percevait autant les effluves de fosse sceptique de l'haleine de son Agresseur que les paroles qu'il prononçait. Des mots qui raisonnèrent dans sa tête, entre ses côtes, parcoururent ses bras, remontant jusqu'à la racine de ses cheveux. Elle se demanda si ce n'était pas dû à la main lubrique qu'il descendait sur sa poitrine tout en interpelant le Macaque qui tenait la bourse remplie de pièces d'or, le sommant de le rejoindre pour lui montrer le contenu de plus près. Il avait momentanément baissé sa garde, aussi, doucement, l'Oise elle approcha ses lèvres du creux de l'oreille de l'Homme et lui susurra, juste assez fort pour que les deux près d'elle puissent entendre : -


Tu n'aurais jamais dû t'en prendre à lui.


- Si toute femme sait bien une chose et ce, quelle que soit sa constitution, sa caste ou son statut de né-moldue ou de né-sorcière, c'est qu'un bon coup de genoux bien placé peut faire presque autant de dégâts qu'une balle ou qu'un sortilège. Son Agresseur n'eut que le temps d'émettre un début de rire graveleux que déjà, le coup l'atteignait à l'entrejambe, avec une puissance impressionnante. Plié en deux, il tomba au sol et sans se faire prier davantage, la Belle sortit sa baguette, qu'elle pointa en premier sur celui qui était armé et était resté près de Malefoy. -


Serpensortia !


- Une vipère noire se propulsa du bout de bois pour aller s'enrouler autour du poignet du Voleur, et celui-ci lâcha son arme en poussant un cri d'effroi. La Jeune Femme en profita pour aller récupérer l'objet et le pointa tour à tour sur les deux Malfrats encore debout, tandis que le troisième se contorsionnait encore de douleur sur les pavés. -


Bien ! Puisque vous riiez tant à nos dépends, voyons si je m'amuse autant que vous.


- Le ton de sa voix était étrangement calme, bien que chargé d'une rage tout à fait audible qui faisait craindre le pire. Les deux Hommes la regardaient, leur regard allant du compagnon à la jeune femme, complètement ahuri. De sa main qui tenait sa baguette, elle visa le ciel et un serpentin violet s'en échappa en un petit feu d'artifice dans la nuit. Croyant à une inattention, le Mastodonte Macaque qui avait tabassé Lucius voulut se jeter sur elle, tout inconscient qu'il était. Sa réaction ne se fit pas attendre. Un bruit de détonation et une balle se logea dans la jambe du Malotru, tandis que Célène reculait légèrement, surprise par la puissance de l'arme. Nouveau hurlement et il s'écroula, tenant le membre blessé.

Le Bennêt, qui avait lâché la bourse remplie d'or depuis un bon moment et avait échappé un : " C'est quoi ce bordel ? " à la vue du serpent, sans pour autant bouger ses fesses de cul-terreux, voulut s'enfuir. Sauf qu'une silhouette lui barrait la route. Encapés des pieds à la tête, apparus dans un léger bruissement d'étoffe, deux Langues-de-Plomb. L'un se tenait derrière le Castré et l'autre, saisissait l'Abruti par le col et le colla au mur, le soulevant de terre. Les deux Membres du Ministère tournèrent un faciès interrogateur vers leur Chef. Une voix s'éleva alors de sous la capuche de celui qui pointait sa baguette sur l'Eunuque. -


Que devons-nous faire d'eux ? - interrogea-t-il d'un ton d'où ne transparaissait aucune émotion. -

Butez-les ! - hurla presque la Directrice qui ne parvenait presque plus à se maîtriser, ses mains tremblant malgré elle. -


- Malgré le manque de luminosité, on pouvait voir, à la façon dont les deux Langues-de-Plomb se consultaient d'une oeillade, qu'ils pensaient avoir mal entendu. Ils en revinrent à Célène, qui s'était agenouillée auprès de Lucius pour l'aider à se relever. Cette dernière, les traits déformés par tout un panel de sentiments plus forts les uns que les autres, réitéra ses ordres. -


J'ai dit : BUTEZ-LES ! Je me fous des sortilèges ou de la main qui vous utiliserez mais je veux qu'ils crèvent !


- Elle remit le Jeune Homme sur pied. Ses Collègues hésitèrent encore quelques instants, incrédules mais allaient s'exécuter, lorsque la Belle interrompit son Employé qui se préparait à asséner un sortilège violent à l'Agresseur de Lucius. -


Attend, Melvin ! Pas lui.


- Elle fit signe à la troisième Langue-de-Plomb apparue dans leur dos à peine deux secondes plus tôt de venir soutenir Lucius et s'approcha du Castra, silencieux et blême. Elle se pencha vers lui et le saisit à la gorge, le serpent qu'elle avait matérialisé un peu plus tôt s'enroulant autour de sa cheville pour lui signifier qu'il n'était guère intelligent de se défendre. -


Je te réserve quelque chose de beaucoup plus à la hauteur de ta bassesse, mon grand. Je veux qu'avant de mourir, tu aies eu le temps de regretter chacun de tes actes, jusqu'à la première fois où tu as volé le doudou d'une de tes camarades de maternelle. - Puis, elle se tourna vers ledit Melvin. - Amène-le chez Grant. Dis-lui que c'est moi qui l'envoie. Une sorte de présent. Et dis-lui bien qu'il ne doit pas ressortir vivant de sa cave. Me suis-je bien fait comprendre ?


- La Langue de Plomb acquiesça en silence, saisit le Malotru par l'épaule et ils disparurent dans le cri d'effroi du Criminel, bientôt étouffé par le silence de la nuit. Célène en revint à Lucius, dégageant les mèches de cheveux encore agglutinées à son visage. Impassible, elle attrapa son bras, sans même lui adresser un regard. -


Finissez le travail. - ordonna-t-elle aux deux Membres du Ministère restant. - Cette histoire ne doit pas sortir de cette ruelle.


- On ne discutait pas les ordres de la Directrice. Leur travail était de nettoyer, de ne laisser aucune trace de magie sur le passage des moldus et c'est ce qui allait se passer. Même si, pour ce faire, il devait faire disparaître les témoins. Aussi, tout comme leur Compagnon, ils hochèrent la tête en signe d'assentiment.

Les deux jeunes gens ne virent pas la scène qui allait suivre. Déjà, Célène les faisait transplaner jusqu'à chez elle, espérant que malgré ses blessures, Malefoy supporterait le voyage sans encombres. -


[Suite dans les appartements de Célène]